Recondite - On Acid

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Auteur: NDrake
Évaluation:
Saturday, 14 April 2018
La grosse claque. La pépite d’or, relique sacrée d’une lumineuse noirceur ramenée d’un pèlerinage aux confins d’un nouvel espace. Le disque tout droit venu de l’Olympe qui vous caramélisera les sens.
Tranquille et tentaculaire, comme un rêve primitif, le premier album de Recondite est un monument, la limite indécise entre deux états, une fugue duveteuse à la densité aérienne sans aucune fausse note, un condensé psychique vertigineux, un voyage immobile nous rappelant que la musique est l’art qui se rapproche le plus de la magie.
Pour l’art comme pour les avancées technologiques, les choses ne sont pas linéaires et on peut observer des sauts, des événements qui sont les déclencheurs d’un changement de paradigme. L’histoire de la musique est pleine de ces rythmes et de ces sons qui ont marqué leur temps, définissant souvent un genre à eux seuls. La ligne de basse "acide", crée avec le synthétiseur Roland TB-303 Bass Line et à origine de l’acid house, en est un des meilleurs exemples, désorientant et éblouissant les clubbers du monde entier avec ses oscillations frénétiques et ses textures inhumaines, stimulante même pour des corps et esprits déjà sur-stimulés.

Dans son livre "Generation Ecstasy", le critique musical Simon Reynolds a cette réflexion sur la musique Acid : "The 303 bass line is a paradox… an amnesiac hook, totally compelling as you listen, but hard to memorize or reproduce after the event, either as pattern or timbre. Its effect is mental dislocation" plaçant ce son de basse si spécifique "somewhere between a fecal squelch and a neurotic whinny, between the bubbling of volcanic mud and the primordial low-end drone of a didgeridoo".
Repenser l’acid est une gageure, et peu l’ont fait de manière convaincante*. Recondite, Lorenz Brunner de son vrai nom, en fait partie, son "On Acid" offrant une véritable expérience d’état modifié de conscience, évoquant de manière éloquente le plaisir diffus ("Felicity"), la patience mélancolique ("Tie In") et la recherche de la contemplation paranoïaque d’une réalité loin d’elle-même (la fragmentaire "Jaded"). Après une myriade d’EP très techno où brillent particulièrement les perles sonores que sont "Cleric" ou "Fiery", Recondite est au sommet.
Résolument minimale dans sa composition, "On Acid" dégage, dès la sublime introduction "Pertichor", une puissance inversement proportionnelle à la sobriété de ses arrangements. S’en suit un périple de modulations subtiles, de distorsions vaporeuses et de mutations complexes de la ligne mélodique organisé autour de la pièce centrale qu’est "Harbinger" où, à deux reprises, Recondite écrase les sons, les noie dans l’écho jusqu’à frôler l’implosion pour ensuite revenir à un rythme métronomique et lancinant, réveil placide après le songe d’une plongée en apnée.
A écouter fort.

* : Pepe Bradock, Achterbahn d’Amour, Donato Dozzy et Tin Man ont plutôt bien cerné ce sujet, et on pourrait même étendre l’analyse à certaines expérimentations d’Aphex Twin sur sa série "Analords".

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